Point de vu d’un commerçant du bétail du marché du bétail de Niamana

Abdoulaye COULIBALY, commerçant du bétail au marché de bétail de Niamana à Bamako nous parle de l’impact de la crise au Mali en général et particulièrement au centre sur le commerce du bétail et les difficultés du marché.

Originaire de Fana, une ville située à 120km de Bamako, Abdoulaye est de père Bambara et de mère peule ; il est marié à une femme Dogon. Depuis son enfance Abdoulaye s’est forgé un chemin, le commerce du Bétail. Alors, il a grandi dans ce métier tout en devenant un véritable connaisseur des acteurs du marché ; il s’agit là des commerçants du bétail qui regroupent toutes les ethnies au Mali, les bouchers et les éleveurs. Il est témoins de l’évolution du commerce du bétail et de ce marché depuis son enfance à nos jours. Dans ce papier, il nous fait un bref état de l’impact de la crise au Mali en général et particulièrement au centre sur le commerce du bétail et les difficultés auxquelles le marché de bétail de Niamana fait face

A. De la présentation du marché de Bétail et le rapport entre les communautés au marché du bétail de Niamana

Ici (Marché de bétail de Niamana) c’est notre lieu du travail. On est là, on part aux foires pour acheter les animaux à l’intérieur afin de venir les revendre.

Le marché du Bétail de Niamana est à Bamako Rive Droite, sur la route de Ségou. Il porte le nom de son quartier « Niamana ». On y vent les bovins les caprins et les ovins.

Il y a beaucoup d’ethnies ici ; il y a les peuls, les Dogons, les Bambaras, les Diohoromai, bref il y a pratiquement toutes les ethnies ici. Le responsable (Président) est peul.

Pour le moment il n’y a aucune difficulté entre nous ici. Pourquoi je dis ça ? Parce que nous vivons en symbiose, dans la solidarité et dans la cohésion. Même si une personne tombe malade ici, si le président du marché est informé, immédiatement il vient au secours de la personne avec les moyens qu’il a. Et puis même si les autorités arrêtent quelqu’un ici, par exemple si par erreur tu achètes un animal volé, et que le propriétaire de l’animal porte plainte contre toi, il intervient pour résoudre le problème. Donc partout où tu vois cette solidarité, ça montre qu’il y a la cohésion et entente. Vraiment on vit ici dans la cohésion et dans l’entente. On est vraiment solidaire ici.

A. Nos difficultés

Les difficultés auxquelles nous sommes confrontés ici sont les difficultés liées aux aliments de bétails. Par aliment de bétail, on entend la graine du coton, le son de céréale et feuilles d’arachide et d’haricot. Aujourd’hui, ces produits sont chers. Par exemple avant, vers les années 2000 on achetait le sac de graine du coton à 3000F ou 3500F. Mais aujourd’hui le sac de graine vacille entre 7500F et 8000F. C’est comme si le prix à triplé. S’agissant de son des céréales, avant on achetait le sac à 3000f ou à 3500f mais maintenant le sac est à 6000f.

L’autre gros problème ici c’est le problème d’eau. Nous n’avons pas d’eau ici. On achète de l’eau chez les charretiers qui revendent de l’eau. Avant le bidon de 20 litres coutait 50f.

Mais maintenant on nous vend le bidon à 75f et 100f, il y en a même qui vendent à 125f et 150f. C’est pourquoi nous avons essayé d’économiser un peu pour acheter des charrettes à l’âne pour le transport de l’eau.

Ces charretiers nous fournissent en eau et quand ils finissent de nous fournir en eau le matin, ils continuent à vendre de l’eau le reste de la journée. Ils sont payés dans ça.

On a beaucoup de difficultés qu’on ne peut pas tout énumérer, mais telles sont les quelques majeures.

B. Conséquence de la crise sur le commerce du bétail

S’agissant de la crise, elle nous a beaucoup affecté. La quantité des animaux qui nous parviennent a diminué. Là ou on trouvait facilement les animaux dans les régions du centre comme Tainin, Douentza, Hombori, Fatoma jusqu’à Gao, à cause de la crise, les routes étaient un moment donné coupées aux véhicules ; ce qui avait causé une sorte de rupture à l’époque. Après ce moment, quand nous avons repris les activités dans ces zones, les difficultés continuent, parce qu’avant on pouvait avoir une vache comme ça

à 175.000f à l’intérieur, tu dépense 20000F ou 25000F pour l’emmener à Bamako et tu pouvais la revendre à 225000F ; comme ça tu pouvais avoir 25000F comme bénéfice. Mais aujourd’hui les animaux sont chers ; une cherté due au fait que la quantité venant du Nord (« Koron fè missi » en Bambara) est devenue peu. Avant on pouvait aller faire son achat chaque semaine, mais maintenant on ne peut que faire deux voyages par mois. Ce qui ne nous arrange pas. Parce que les prix de location des camions est devenu cher. Si auparavant on louait les camions à 500.000f, aujourd’hui les transporteurs exigent 750.000F. Imagine si tu fais la tête pour louer le camion dans ces conditions pour ne transporter que 50 têtes de bœufs. On perd combien de bœuf en route par voyage ? Au minimum quatre à cinq ! Il faut s’entendre à ça ! A la rigueur minimum trois.

Quand tu fais la somme de ces dépenses, le frais de transport plus les animaux perdus, plus le frais de ceux-là qui surveillent les animaux en cours de route ; parce que ce n’est pas le commerçant lui-même qui accompagne les animaux, il est obligé de payer les accompagnateurs spécialisés, plus les frais de la route ; à la fin l’animal sera trop cher et difficile à revendre ici. Si tu achètes le bœuf à 140.000 par exemple, banalement tu te retrouveras dans les 175.000F à l’arrivé à Bamako. Donc c’est difficile.

C. De la situation des bergers avec lesquelles nous sommes en contact à l’intérieur au centre du Mali

La crise les a beaucoup affectés. Parce qu’il y en a qui ont complément perdu leur bétail.

Dans ces zones, tu peux trouver des bergers qui ont quatre troupeaux, il y en a qui ont plus de 1000 têtes. Avec cette crise beaucoup ont perdu leurs animaux. Parce que vous savez, quand les animaux entendent les coups de fusil ils fuient. C’est pourquoi il y a des animaux qui ont fui et leur propriétaire ne les ont plus retrouvés. Pire encore dans ces zones, il y a des gens qui profitent de la situation pour faire le vagabond ; ces gens sont des bandits, quand ils s’attaquent à la population on les qualifie de rebelle alors qu’ils n’en sont pas ; ils partent piller les éleveurs en enlevant leurs bétails. C’est pourquoi on voit souvent des gens venir chercher leurs animaux jusqu’ici croyant qu’ils pourraient les retrouver ici. Il y en qui trouvent leurs animaux.

Même lors du coup d’Etat de 2012, les bandits sont allés piller les bétails de Lobo (Femme de l’ancien président ATT), certain de ces animaux ont été retrouvé. D’autre ont retrouvé par la peau de animaux. Parce que même si on égorge ton animal, si tu as une marque sur la peau tu peux reconnaitre ton animal. Donc quand tu retrouves la peau, le boucher qui l’a tué tu le trouve, quand tu retrouves le boucher, tu retrouves le vendeur ainsi de suite jusqu’au voleur. Tous les bouchers ont leur marque. C’est pourquoi quand quelqu’un perd ses animaux il va à l’abattoir, et s’il retrouve la peau c’est comme s’il a retrouvé son animal.

D. De la pratique d’élevage par les commerçants de bétail : l’embouche

Nous les commerçant bétail, nous avons un système qu’on appelle embouche. C’est la pratique qui consiste à garder le bœuf à la maison, le nourrir sur place en vue de l’engraisser dans un bout de temps donné. La cour dans laquelle nous sommes est l’illustration parfaite. Tous les bœufs que tu vois ici attaché aux piquets sont en embouche.

Par exemple la vache que tu vois, quand je l’achetais, il était sur le point de mourir par ce qu’elle ne pouvait même pas se lever d’elle-même ; ses cotes étaient cassées.

Le petit veau qui est là est d’elle. Mais quand je l’ai acheté on l’aidait à se lever pour manger. Mais aujourd’hui elle va mieux.

On a plein de difficulté ici mais on ne peut pas tout énumérer. Par exemple nous avons un problème d’insécurité ici. Il y a qu’un un seul gardien pour cette cour que tu vois. Mais de toi en moi, est-ce qu’une seule personne peut surveiller cette cour ?

Les piquets que tu vois, on paie 2000f/piquet/mois pour les responsables du marché.

Le gardien est payé sur la base de ces sommes payées. Pour chaque piquet on paie 2000/mois. C’est cet argent qui sert à payer le gardien. Un moment donné on a subi pas mal de cambriolage ici. Chaque nuit ils enlevaient au moins deux bœufs ici et les tuer. Et personne ne sait qui les enlevait. Toi tu confies ton animal à un gardien et tu t’en va tranquillement à la maison dans ta famille alors que les animaux ne sont pas en sécurité. C’est pourquoi moi je passe de temps en temps ici pendant la nuit. A cause de ces cambriolages, les gens ont décidé de mettre les ampoules ici, mais malgré ça, on a l’impression que ça s’empire.

Ici on fait de l’embouche, les bouchers viennent acheter les bœufs chez nous ici. Il y en a qui viennent acheter chez nous ici ensuite aller les revendre. Le grand bœuf que tu vois, est du nord.

On ne trouve pas ces genres de bœufs au sud ici. Son propriétaire l’a acheté 450.000F, mais pour le revendre il lui faut avoir au moins 850 parce qu’il a beaucoup investit dans sa nourriture. Chaque jour ce bœuf peu manger un sac de son de céréale et ½ sac de graine du coton. Imagine pendant 4 mois. Parce que on l’a attaché ici il y a presque 4 mois.

A. Ce que nous souhaitons

Ce qui est notre souhait aujourd’hui est la réduction du cout des aliments bétails, résoudre le problème d’eau ici. Qu’ils cherchent une solution pour mettre fin à cette crise afin que nous puissions aller librement et tranquillement au Nord et au centre pour faire nos achats. Parce que pour aller acheter les bœufs à l’intérieur il faut aller avec l’argent, mais avec cette insécurité, on ne peut pas se déplacer avec l’argent. Si on se déplace avec l’argent, les bandits nous attaque ; ce qui a même ruiné beaucoup de nos commerçants ici, parce qu’ils avaient été pillés par les bandits.

Dans tous les cas malgré cette crise on essaie de faire avec parce que on ne connait pas autre activité que ça. Il nous faut la sécurité vraiment.